lundi 27 août 2007

Mon aventure percussive avec le Cirque du Soleil (VIDÉO!)

MISE À JOUR (27/08/2007): ENFIN LE VIDÉO!

Je remonte le billet sur le Cirque pour que vous puissiez voir le fameux vidéo de notre prestation avec les artiste du Cirque du Soleil. Je peux dire que je suis extrêmement ému par le contenu de ce vidéo qui me rappelle des souvenirs impérissables.

Encore une fois, merci au vidéaste Daniel (La Repouce) Lemieux pour son extraordinaire travail, et surtout, de m'avoir fourni le vidéo en primeur!


Je ne sais trop par où commencer cette chronique. Je suis encore sonné par l'incroyable journée que j'ai vécue dimanche dernier, tellement elle a été surréaliste. Le genre de journée qui marque un tournant dans l'existence de quelqu'un, qui étourdit, qui frappe l'imagination...Les mots sont faibles! Mon expérience avec le Cirque du Soleil a été des plus intenses et des plus fantastiques! Une incroyable incursion dans le monde du surréel, de l'imaginaire, du spectacle et du grandiose!

Le cirque est un petit bout d'arène close, propre à l'oubli. Un temps plus ou moins bref, il nous permet de ne plus penser à nous, de nous dissoudre dans l'émerveillement et la félicité, d'être transportés de mystère.

Henry Miller (1891-1980), dans «Le sourire au pied de l'échelle»

La transformation commence...

Bip! Bip! Mon réveil sonne et il est 5h30 du matin. À part les oiseaux, c'est le silence total. Je n'ai aucune misère à me tirer du lit, tellement j'ai hâte au spectacle. Le temps de manger deux oeufs, je pars et le trajet en métro ne prend que quelques minutes tellement ma tête est séparée de mon corps, voguant dans le rêve éveillé que je suis sur le point de vivre, les yeux bien ouverts cette fois. J'arrive au deuxième étage du Palais des Congrès à 7h30 pile, et déjà quelques-uns de mes compagnons sont arrivés. La metteure en scène, Lise, travaille à paufiner les derniers détails de certains numéros. Ça grouille en diable là-dedans. Techniciens de son, éclairagistes, accessoiristes, et bien entendu, les acrobates du Cirque sont là à suivre les directives des déplacements. «Pas trop vite SVP, prenez votre temps au final, attendez le signal de la chanteuse pour votre salut...C'est ça, OK, parfait! Break maintenant! On se retrouve dans une petite vingtaine!»

La pause est plus que bienvenue, et on en profite pour aller à notre loge où, surprise, un magnifique petit déjeuner nous attend, constitué de succulents fruits frais, céréales, café et jus. Du café!! Ingrédient essentiel pour passer au travers de ce brouhaha créatif. De plus en plus de gens viennent grignoter un peu, et j'avoue que je ne suis pas vraiment réveillé assez pour deviner à qui j'ai affaire. Et pourtant, je suis en ce moment même entouré par les acrobates du Cirque du Soleil. Je suis bientôt introduit à Elena Lev, la contortionniste aux cerceaux qui sera, dans quelques heures à peine, la première à s'exécuter au spectacle. Blonde, jeune, mince, et à l'allure très décontractée, elle est assez discrète, je dirais même concentrée. Nous la saluons, sans plus, étant trop dans notre bulle peut-être nous-mêmes...Nous rencontrons également les deux athlètes polonais, le Duo Design de par leur nom d'artistes. Ce sont les deux acrobates au corps d'Apollon qui réussissent des figures aériennes qui défient l'imagination tellement ils repoussent les limites de la musculature humaine. Eux aussi sont dans leur élément, concentrés, discrets, prêts à livrer la marchandise.

En attendant, les deux maquilleuses se préparent en s'installant devant les miroirs. Puis, c'est déjà le temps de passer à l'étape du maquillage facial, puisque cela prend entre 15 et 20 minutes par personnes. Et vu que nous sommes dix et bien, ça fait beaucoup de monde à transformer! Truc et Pierre-Yves sont les premiers, suivis de Cheick Anta et Sadio, puis Éric, Estelle, et finalement c'est mon tour. En m'assoyant dans la grande chaise haute, et en voyant mon visage dans le miroir, je me dis que ça y est. Maintenant, la transformation est en marche, je deviens à l'instant un artiste du Cirque, je suis à peine conscient des minutes qui vont suivre tellement je suis encore sous le choc. Suis-je encore en train de rêver à tout ça?

La seconde peau

Tout en ayant les yeux fermés, je focuse sur ce qui m'avait amené dans cette salle, à la seconde même, repensant à tout le chemin parcouru depuis presque deux ans maintenant. Une mosaïque d'images, évoquant des souvenirs imprimés dans ma tête, surgissent. C'est peut-être dû à une certaine logique des choses, mais je me demande encore aujourd'hui pourquoi je fus choisi pour faire partie de ce numéro incroyable plutôt qu'un autre. Et en essayant de trouver une réponse, je suis tiré de mes rêveries par la maquilleuse qui me demande d'ouvrir mes yeux et de les lever au ciel pour qu'elle m'applique une couche de mascara.

En les ouvrant, je vois une méchante belle différence avec le simple fond de teint blanc que j'avais au visage au tout début. Le maquillage de scène est saisissant et vraiment bien nuancé. Les maquillages sont vraiment l'extension des émotions que l'on ressent. Tout est amplifié. Si on fronce les sourcils, la colère est dix fois plus perceptible. Si on sourit, notre joie de vivre se communique encore plus facilement. Et en ce moment, elle doit se voir diablement facilement!

Le temps de prendre quelques photos de famille et de grignoter à nouveau, le temps file, et je constate un étrange phénomène autour de moi. Une certaine prise de conscience, comme un déclic qui s'effectue dans ma tête. Un à un, les artistes du Cirque arrive dans la loge, et cette fois, ils ont eux aussi transformé leur visage avec les maquillages qu'on reconnaît tellement bien lorsqu'on admire une performance du Cirque. Et lorsque je vois Timéo, le jongleur de feu, se maquiller lui-même devant le miroir, on dirait presque de la magie.

Il sépare son visage en deux, une partie foncée et une autre plus pâle, tout en dessinant sur son front un mélange d'hiéroglyphes et de symboles. Dès lors, il revêt une seconde peau, sa seconde peau, tellement il l'a revêtu souvent. C'est le premier morceau de son deuxième lui-même, celui qui explosera dans quelques minutes sur scène avec ses torches enflammées. Être témoin de ce moment unique où l'artiste se transforme est tellement spécial que j'en savoure chaque seconde. Étant placé tout juste derrière lui, je l'observe effectuer chaque coup de pinceau d'un geste assuré et robotisé, tellement il a dû le faire souvent. Il ne remarque même pas ma présence, il est dans sa bulle, concentré à sa métamorphose.

Métamorphose

Laissant Timéo se préparer, je retourne voir le groupe. Question de faire monter l'adrénaline un peu, je jamme avec Sadio, Cheick Anta, Estelle et Éric, puis Pat Dugas vient s'asseoir avec nous pour répéter la pièce. Ça fait vraiment super bizarre de se voir accoutré ainsi, de pratiquer notre morceau et de se dire que dans moins d'une demi-heure on sera sur la scène et que ce sera plus vrai que nature.

Vient ensuite le moment tant attendu d'enfiler nos costumes de scène. Dès que je suis vêtu d'orange de la tête aux pieds, je sens la montée d'adrénaline grimper en flèche. Tout le monde est fébrile. Enfin, je parle de notre petite gang de percussionnistes. Je ressens à nouveau le sentiment de déclic de tout à l'heure lorsque je vois les deux hommes forts polonais effectuer leurs figures mythiques et se réchauffer. Sûrement par soucis de ne pas gaspiller leur énergie, ils ne font qu'amorcer leurs mouvements, mais c'est tout de même très impressionnant. Puis, très vite, ils disparaissent de la salle pour aller revêtir leur deuxième peau eux aussi.

Lise, la metteure en scène, vient ensuite nous voir pour nous annoncer que nous devons être en arrière scène dans 15 minutes. Nous préparons donc nos instruments, test des courroies, mousquetons, etc. Puis, je prends encore plus conscience du moment incroyable qui est sur le point de se produire quand je vois arriver les mêmes visages que ce matin, mais cette fois-ci maquillés ET costumés. C'est fascinant de voir à quel point leur deuxième peau les métamorphose en quelque chose de surréel, qui appartient au domaine du rêve et de l'imaginaire!

Le temps de prendre une "photo de famille", la régisseure de scène vient enfin à notre rencontre et nous annonce qu'il est temps d'aller se positionner à l'arrière scène, en coulisses. Et c'est au même moment que j'entends pour la toute première fois les clameurs de la foule qui est juste derrière le mur. Le bruit a le même effet qu'une légère décharge électrique. Mais, tout en demeurant concentré, je marche, dundun à la taille, dans un couloir qui ne semble pas avoir de fin. Pendant que les autres parlent, je demeure moi aussi dans ma bulle, concentré, prêt à effectuer ce que j'ai répété dans ma tête des dizaines et des dizaines de fois depuis quatre jours.

Dédoublement de soi

En arrêtant devant la grande porte menant à l'arrière scène, je ressens le trac de façon inhabituelle. Je commence à réaliser enfin où je suis et surtout, avec qui je m'apprête à jouer dans quelques minutes. C'est complètement surréaliste. La porte du rêve et de l'imaginaire s'ouvre enfin, et je pénètre dans la salle, derrière les immenses panneaux multimédias électroniques, pour me frayer un chemin jusque de l'autre côté de la scène côté jardin. Je suis subjugué de voir l'équipe à l'oeuvre derrière la scène. Des dizaines de techniciens ont le visage illuminé par les nombreux écrans cathodiques que leurs yeux sont en train de balayer. Dans la salle, le gala est sur le point de se terminer, les derniers prix étant en train d'être décernés.

Je suis avec les clowns (agissant en tant que maîtres de cérémonie), Truc, Pierre-Yves, Sadio et Estelle. Pendant que nous sommes tous là à attendre que le gala prenne fin, Elena, la contortionniste aux cerceaux, fait ses étirements. Avec la plus grande facilité du monde, elle passe sa jambe derrière son épaule de sorte que son pied est tout juste à côté de sa tête. Elle semble très relaxe, malgré qu'elle demeure silencieuse, réagissant plutôt de manière non-verbale. Elle trempe ses pieds dans la craie qu'elle applique ensuite sur son corps, afin d'éviter les glissements dangereux. Puis, elle s'avance proche de l'escalier, et tout est enfin prêt pour le spectacle.

La présentatrice du gala introduit enfin le Cirque. Puis, Jonathan, un gars très sympathique qui a déjà suivi des cours de percussions avec nous, et qui maintenant est clown pour le Cirque, est le premier à s'avancer sur scène, suivi des trois autres. Chacun étant muni de cerceaux, ils laissent la place à Elena. Et lorsque je la vois s'exécuter sous mes yeux, en la regardant sur l'écran géant (étant malheureusement derrière la scène, je n'ai pas d'accès visuel sur elle directement), je suis carrément estomaqué par sa performance.

Bien entendu, j'étais totalement subjugué par la prouesse technique de son numéro. Mais au delà de ça, j'étais en train de constater à quel point le Cirque est l'art du théâtre avec un grand T. Quel dédoublement de soi!! Sa prestance, l'intensité de son regard, combiné à sa grande agilité, à son maquillage, à son costume, bref tout, absolument tout la rendait plus grande que nature. Elle irradiait tel un soleil. Elle était carrément une autre personne. L'énergie féminine à son paroxysme. C'était d'une infinie beauté et d'une sensualité à fleur de peau. À ce moment, et à cette seconde précise, la réalité m'a rattrapé. J'étais partie prenante du Cirque, je faisais partie de ce vaisseau spatial qui nous amenait ailleurs, dans un autre univers, dans une autre dimension.

Sans que je ne m'en rende compte, je me pinçais littéralement, ayant peine à y croire. Et, aussi subtilement qu'elle est entrée sur scène, elle sort par notre escalier, et mon regard la croise pour ensuite revenir sur l'écran. Oui, c'est bel et bien elle que j'ai vue. Elle était redevenue elle-même, la magie ayant opéré. Elle avait fait son job à la perfection, sa journée de travail était maintenant terminée. Pendant que je reprends mes esprits tranquillement, les clown installent la plate-forme et un des deux Polonais passe devant moi pour s'installer en haut des escaliers. Il est recouvert d'une poudre en or, et il est uniquement vêtu d'un slip. Dans l'ombre de la lumière, il est découpé au couteau. Et pourtant, quand je l'ai croisé ce matin en déjeunant, j'aurais probablement dit de lui qu'il s'entraînait intensément, sans plus. C'est pour dire comment est incroyable la magie du maquillage et du costume!

Il va rejoindre son comparse, et tous deux en mettent encore une fois plein la vue. Leur performance est colossale et, en tout point aux antipodes de la précédente. Cette fois-ci, c'est l'énergie masculine à l'état brut. La virilité, les muscles, le regard de feu. Tout ça encastré dans une prouesse d'endurance physique qui parfois est à peine tolérable à regarder. Des figures où la gravité n'existe plus, où la machine humaine est poussée à ses extrêmes limites. Le tout enveloppé avec une musique extraordinaire et un éclairage qui met en valeur le costume doré des deux acrobates. Encore une fois, c'est extrêmement puissant comme effet, et je cesse volontairement de regarder, car je dois replonger dans ma bulle, puisqu'après eux, nous embarquons sur scène!

La danse du feu

Malgré que la foule eût terminé d'applaudir à tout rompre la performance hallucinante des deux hommes forts, j'étais revenu dans ma bulle, concentré, mon instrument à la main, derrière mes amis. Personne ne disait mot, pendant que sur scène on se débarrassait de la plate-forme. L'éclairage s'éteint alors, puis vire au rouge. C'est alors que j'entends les premières notes de notre pièce. Un à un, nous montons les marches, puis nous secouons les shakers que nous avons sous la main.

En croisant mes amis sur scène, j'ai peine à les reconnaître. Tout est transformé. Nous sommes devenus les membres d'une tribu prête à accueillir son chef qui va effectuer sa danse du feu. Nous sommes les seigneurs du Feu. Notre regard est enflammé, notre visage est assoiffé de colère et de tribalité. Je suis connecté à mes instincts les plus primaires, comme si j'étais embarqué dans une machine à voyager dans le temps. Jamais je n'ai vécu une sensation aussi puissante et aussi forte. L'illusion est parfaite. J'oublie totalement la scène, les gens qui regardent. J'ai conscience de moi-même et de mes amis, point à la ligne.

Nous formons alors un immense cercle avec nos shakers qui transporte la salle dans un lieu où jadis, au début des temps, l'homme peinait à survivre. D'un coup sec, nous nous retournons vers la foule, et dans le désordre le plus complet, nous retournons derrière nos instruments, et c'est alors que Timéo avance sur la scène, avec ses immenses torches de feu enflammées. Encore une fois, le dédoublement est incroyable. Le gars sympathique à l'allure très relaxe est ici gigantesque, les flammes dansant dans ses yeux, le jaune vif reluisant sur son visage, faisant ressortir ses traits les plus barbares. Puis, il se met à faire tournoyer ses torches à la vitesse de l'éclair, les faisant tenir en équilibre sur la plante de ses pieds flambant nus.

Puis, en entendant le moment clé de la piste sonore, nous, les dix percussionnistes, nous nous levons d'un trait. À ce moment, je n'ai plus aucune crainte. Je ne réfléchis plus. Je sens la pièce musicale comme si je l'avais composée moi-même. C'est tout aussi incroyable comme sensation. Mes mains savent exactement quand faire osciller le maillet du dun. Je suis tellement concentré et dans ma bulle que je remarque à peine les quelques petits pépins techniques de sons, où les moniteurs font défaut (chose que j'apprendrai uniquement après le spectacle). Pour l'instant, c'est l'effet visuel qui compte, et le feu rituélique s'amuse à danser avec les notes tonitruantes des tambours.

Rideau

Le crescendo des notes de percussions se mêlent à la fureur des flammes qui dansent autour de Timéo. Puis, les dernières notes fusent, et tous nous levons les bras au ciel, en même temps que les projecteurs s'éteignent. Et nous redevenons nous mêmes aussitôt, et je suis sonné d'avoir vécu un moment aussi intense. Mais, notre présence sur scène n'est pas terminée. Nous sommes les premiers à courir en cercle autour de l'immense scène sous les applaudissements à tout casser de la foule. Puis, nous plaçant de chaque côté, nous jouons de nouveau, sourire aux lèvres cette fois, et la chanteuse du Cirque s'avance pour chanter de sa voix puissante. Elena exécute un pas de danse après que les clowns eut ouvert le bal, puis les deux hommes forts retournent sur scène et un véritable coup de tonnerre vient de la foule. Finalement, Timéo retourne au devant de tout ce beau monde, puis nous nous avançons prestement.

Lorsque la chanteuse fait le signal pour le salut collectif, une puissante émotion m'envahit. Le simple geste de saluer la foule, et ce, entouré de talents aussi uniques est un sentiment que je ne suis pas prêt de revivre. Faire partie, ne serait que quelques minutes, d'une aventure avec le Cirque est incroyable et jamais je n'aurais pensé que cela puisse m'arriver un jour. En reparcourant le long couloir qui nous ramène à notre loge, je sens l'adrénaline se dissiper tranquillement. Je me sens redevenir moi-même, étudiant, apprenti percussionniste. Et lorsque je me débarbouille le visage et que j'ôte mon costume, le rêve prend fin.

Par contre, lorsque je sors à l'extérieur, le Maître Soleil est radieux, signe que ma performance de ce matin-là a été très probablement à la hauteur de son Cirque.

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